Chronique d'histoire : Nos camions feux de forêt ... américains
Publié le 30 octobre 2024
Parmi nos matériels à la rapide évolution se trouvent les camions de lutte contre les feux de forêts. Alors, commençons notre histoire en rappelant d’abord que pendant bien longtemps, l’extinction de ces sinistres se réalisait par des équipes de volontaires civils recensés dans les communes et avec les militaires de nos nombreuses garnisons, ces détachements étant souvent coordonnés par les agents des « Eaux & Forêts ».
Bien sûr, dans les périphéries des cités disposant d’un corps de pompiers, ces derniers concouraient à la lutte bien que leurs véhicules n’aient, ni de capacité « tout terrain », ni citerne d’eau conséquente. Aussi, souvent les arroseuses municipales servaient de point d’eau de proximité.
Source : Bibliothèque Victor de Cessole-Nice
L’arrivée des matériels issus de l’armée américaine de Libération de 1944 va rapidement faire évoluer les techniques de lutte par l’emploi de ces véhicules militaires aménagés en camion de pompiers. Tous les centres du département eurent à un moment de leur histoire, une jeep, un Dodge ou un G.M.C
Source : SP Contes
A Contes, corps créé le 8 janvier 1951, le premier véhicule affecté au centre dès août 1951 est un Dodge 4 x 4 aménagé avec motopompe, citerne d’eau de 600 litres, et sièges permettant l’emport de 6 pompiers. Ce matériel polyvalent permet la lutte contre l’incendie, tant dans l’intérieur des villages que dans l’espace forestier.
Pour mesurer l’impact opérationnel apporté à l’époque, il faut préciser que 31 engins-pompes-citernes sur ces anciens châssis militaires viennent armer nos corps maralpins entre avril 1951 et janvier 1952.
Source : Archives SDIS06
Souvent la livraison de l’engin donne lieu à une réception très officielle comme à Menton, où l’arrivée du camion-citerne-lourd G.M.C n° 27 avec sa citerne de 3 000 litres, réunit élus et sapeurs-pompiers, le 10 mai 1951.
Source : Amicale des SP de Cagnes-sur-Mer
Ces véhicules, en fonction de leur tonnage, disposaient de divers équipements allant de la « jeep-tonne » avec sa citerne de 250 litres au GMC de 3 000 litres en passant par les DODGE 4 x 4 avec leurs 600 litres et les DODGE 6 x 6 emportant 1 200 à 1 400 litres d’eau.
Et pour imaginer la longévité de ces matériels dans nos terres maralpines, le dernier DODGE acheté par le SDIS 06, un 4 x 4, fut mis en service en 1980 puis, une décennie plus tard, entama « une troisième vie » après son acquisition par le SDIS de Haute Corse.
Ces camions avaient tout de même deux inconvénients… le rayon de braquage limité qui obligeait sur nos routes sinueuses de nombreuses manœuvres pour négocier les virages serrés et… la consommation en carburant. Ainsi, celle d’un GMC en pleine charge avec tous ses personnels et matériels avoisinait les 100 litres de supercarburant aux 100 kilomètres.
Les « anciens » pourraient vous raconter que pour être « sûr » de démarrer, le plus prudent était de dévisser le filtre à air et de verser directement vers le carburateur « un bon demi-litre »… avant d’actionner le démarreur matérialisé par un poussoir à pied situé sur le plancher de la cabine, à droite de la pédale d’accélérateur.
Ces engins à l’infinie robustesse furent de toutes les missions : au feu… partout ! Lors des tempêtes ou inondations où leur capacité de franchissement faisait merveille, mais aussi dans les balbutiements du secourisme routier où la puissance de leur treuil permettait l’accès, le maintien ou le dégagement de véhicules accidentés.
Source : SP Biot
Au moment de leur réforme du SDIS 06, certains furent acquis par des communes. Ainsi à Biot, le CCF 4 x 4 finit même avec une lame amovible de chasse-neige, montée l’hiver.
A Saint-Etienne-de-Tinée le GMC réformé du service incendie en janvier 1995 et acheté par la mairie servait à la voirie et parfois sa lance arrosait les fleurs ornant les bacs de la cité.
Lorsque la municipalité décida de se séparer de l’engin, au début des années 2000, l’engin fut heureusement acheté et préservé par un particulier que je connais et qui, aimablement, le mettait à disposition lors de manifestations corporatives.
Source : Delphine Baron-Bertolo
Ce camion était le « dernier représentant » de cette longue saga des GMC des pompiers des Alpes-Maritimes, comme l’indiquait toujours fièrement ses portières.
Il coule maintenant d’heureux jours de vraie retraite dans les réserves d’un musée de pompiers du centre de la France.
Alain Bertolo
29 octobre 2024