Portrait : Fabrice Chaumeton, du rugby à la danse classique
Publié le 21 juillet 2023
Rencontre avec Fabrice Chaumeton, sapeur-pompier professionnel, rugbyman amateur, passé maître dans l’art subtil des chignons pour sa fille, danseuse classique.
Fabrice, peux-tu nous expliquer brièvement ton parcours qui t’a conduit à embrasser la carrière de sapeur-pompier professionel ?
Titulaire d’un BEP en génie climatique je n’étais pas destiné à devenir sapeur-pompier… En 2003 j’ai intégré le corps des sapeurs-pompiers de La Turbie puis j’ai passé le concours pour devenir professionnel en 2007. Un an plus tard, j’avais la chance d’être recruté et affecté au CIS Cagnes sur mer avant un passage sur la caserne de Nice Bon-Voyage et aujourd’hui à Saint-Isidore.
Devenir sapeur-pompier, c’était un rêve de gosse ou plutôt une question d’opportunité ?
Ni l’un ni l’autre ! à l’époque mon meilleur ami Olivier Paillotet est décédé dans un tragique accident de la route alors qu’il était jeune sapeur-pompier professionnel. Olivier me demandait souvent de devenir pompier volontaire afin que l’on puisse travailler un peu ensemble. Il était passionné par ce métier et pour moi pompier était un métier inaccessible. Après sa disparition son beau-frère Nicolas et moi avons décidé de devenir volontaire en sa mémoire et de faire perdurer sa passion qu’il aimait tant à travers nous. à La Turbie, j’ai rencontré des personnes formidables qui m’ont inculqué de belles valeurs et il ne m’a pas fallu longtemps pour enfin trouver ma voie et passer le concours.
Ton sport de prédilection, le rugby… Tu peux nous en dire plus sur ta pratique de l’ovalie ?
Le rugby aussi c'est une drôle d'histoire, Manu qui s'occupait de l'équipe départementale m'a un jour vu courir sans m'arrêter au milieu de collègues qui buvaient leurs cafés à Bon Voyage, le but étant d'essayer qu'ils se le renversent dessus évidemment... il m'a dit:
"T’es costaud, tu cours vite, viens à l’entraînement de l’équipe départementale tu vas peut-être nous servir !"
Je n’ai donc pas intégré l’équipe pour mes talents de rugbyman car je suis un spécialiste des en avants et des “calzones” (Ce sont des passes ratées où le but est de viser les mains de son coéquipier mais le ballon fini sur ses pieds) mais ce n’est pas grave puisqu’on ne demande pas à un pilier de faire des passes. Comme l’a dit Ali, « l’essentiel c’est de mettre la tête là où les autres ne veulent pas mettre les pieds ». Je suis tombé amoureux de ce sport et de toutes les valeurs qu’il véhicule je me suis donc inscrit en club à Saint-Laurent du Var où j’ai joué pendant 6 ans.
Mon plus beau souvenir est quand même cette finale avec l’équipe départementale du SDIS 06 que nous avons remporté et terminé champion de France de 2nde division et rassurez-vous ce n’était toujours pas grâce à mes passes ! Bref une belle équipe de copains.
Visiblement tu as transmis le goût de l’effort à ta fille mais ce n’est pas tout à fait dans le même sport… Une petite fille qui commence par la danse classique c’est commun mais à quel moment vous êtes-vous rendu compte qu’elle avait certaines prédispositions pour aller plus loin ?
Lorsqu’il s’agit de son enfant et surtout de sa petite fille généralement difficile de se montrer objectif…
On trouvait qu’elle était agréable à regarder sur scène d’autant plus qu’elle était toujours devant. Ses professeures et les parents d’enfants de son cours nous disaient qu’elle dansait bien. Un jour sa professeure de classique a demandé à nous parler et nous a dit que Chloé avait des capacités et le physique pour aller plus loin. Nous avons eu une discussion ma femme et moi puis nous avons demandé à notre fille ce qu’elle voulait faire et nous a répondu: “j’aimerais essayer de devenir danseuse” et nous voilà tous partis dans son aventure. Nous avons rencontré sa professeure actuelle ancienne danseuse du ballet de l’Opéra de Paris et préparatrice mental au sein de cette institution qui l’a emmené à son niveau actuel mais la route est encore très longue.
La danse c’est un truc de fille… et pourtant tu t’es mis à faire des chignons et de la couture… Qu’est-ce qui t’a poussé à relever le challenge (l’envie de partager, l’envie de soutenir, ?) Comment as-tu appris/développé cette activité délicate ?
Si c’était que les chignons et la couture... Avant ça j’ai joué à la dinette et à la reine des neiges... (J’ai réussi à moyenner le rôle de Olaf… je m’en suis bien sorti)
Je suis quelqu’un de très manuel, je bricole, je répare, et quand je ne sais pas je regarde des tutos et je me lance. Pour les chignons, c’est pareil.
Le planning est tellement serré et maman travaille aussi. J’emmène régulièrement Chloé à la danse et quand on fait du classique c’est chignon obligatoire donc il fallait que j’apprenne à les faire aussi. Les gens ignorent la responsabilité que représente un chignon, s’il se défait lors d’un concours c’est la catastrophe ! Pour la couture c’est ma grand-mère qui m’a appris elle me disait : mon fils apprend tu seras autonome et elle avait raison cela m’a bien servi et me sert encore, surtout pour les pointes et les justaucorps qui sont des fois mal ajustés.
"Ce n’est pas parfait mais je me débrouille
avec ma machine à coudre que j’ai eu à Noël !"
La danse classique demande beaucoup de rigueur et d’entraînement, comment parviens-tu à l’aider dans son quotidien et quel volume d’entraînement cela représente ?
C’est la course toute la semaine ! Cela représente 12 heures de danse par semaine sans compter les répétitions et les déplacements. A la maison elle travaille énormément, elle a une barre sur laquelle elle travaille son casque vissé sur ses oreilles, puis les étirements et le renforcement musculaire. Nous sommes quasiment toujours sur la route. Heureusement nous avons une armée de personnes qui nous aide. Nous sommes un peu son écurie et elle une formule 1…
Le métier de sapeur-pompier demande de la rigueur… La danse classique beaucoup également. Est-ce que ton métier te permet de l’aider sur cetaspect-là ?
Indirectement oui, elle m’a observé lorsque je travaillais pour passer mes concours et mes examens ou lorsqueje me préparais pour faire des formations. Elle a compris que lorsque l’on a un objectif il faut s’en donner les moyens et que même face à l’échec il faut persévérer. Maman aussi est très rigoureuse, elle lui a aussi appris à l'être.
Maman aussi est très re lui a aussi à l’être.
On se doit d’être honnête, entre danse classique et rugby, il y a quand même un monde… l’adaptation à la passion de ta fille et aux besoins particuliers de cette discipline n’a pas était trop dur ?
Oui c’est très difficile, les gens ne voient que la partie visible de l’iceberg, l’envers du décor est tout autre, tout cela prend énormément de temps. Je ne compte plus les fois où sa petite soeur a mangé assise sur nos genoux dans les couloirs de l’école de danse… Le choix de nos destinations de vacances est déterminé par les lieux de stages pour passer un maximum de temps ensemble… Nous avons arrêté nos loisirs, la maman est passée de nuit pour l’emmener à ses cours…
Mais nous avons la chance d’être très entourés : sa professeure si bienveillante, nos amis, la famille, le directeur de l’école de Chloé et ses institutrices, mes collègues qui permutent facilement avec moi pour m’aider, mon chef de centre, son adjoint et mon chef de section me facilitent grandement la tache quand les dates de stages tombent et qu’il faut me remplacer et Dominique et Philippe qui me font travailler l’été sur les postes de secours.
J’ai aussi les copains du rugby qui m’aident dans cette aventure malgré que je ne sois plus avec eux sur le terrain. Je ne vous raconte pas la joie de recevoir un mail de l’Opéra de Paris disant qu’elle a été retenue pour le stage.
"Mais, lorsque les lumières de la salle de spectacle s’éteignent, que le rideau
s’ouvre et que nous voyons notre fille heureuse sur la scène, tout cela passe
au second plan."
Tu es un papa sapeur-pompier rugbyman qui fait de la couture et des chignons… Pas trop dur à assumer au regard de tes collègues ? Est-ce que tu te fais chambrer là-dessus ?
Les seuls regards qui me préoccupent sont ceux de mes filles et de ma femme. Mon ego passe après elles. Mes collègues me chambrent oui ! Et heureusement on est chez les pompiers ! Mais ils le font avec bienveillance car ils suivent aussi de près notre aventure et respectent tous mes sacrifices. Certains même se reconnaissent car ils sont aussi des papas poule mais ils le montrent moins et d’autres en profitent pour se faire recoudre le bouton qui a sauté pendant l’hiver !
"J’assume totalement d’être l’acteur de leur bonheur même
si je dois faire de la couture et des chignons."
Chloé est-ce que c’est commun un papa qui fait des chignons par rapport aux autres filles de ton cours ? Est-ce que c’est cool de pouvoir partager sa passion avec son papa ?
Au début je pensais que c’était normal mais quand j’ai vu que toutes mes copines étaient étonnées je me suis dit que papa n’était peut-être pas comme tous les autres ! Oui c’est super cool mes parents sont toujours avec moi c’est même papa qui me corrige mes positions sur mes barres et il est des fois moins sympa que ma professeure! C’est lui aussi qui fait mon chignon très serré pour mes concours et mes galas. Une fois il a crié en plein spectacle à la fin de mon passage quand il n’y avait plus de musique “bravo mon petit chaton” et tout le monde a entendu ! … ça m’a fait rire mais je lui ai demandé d’éviter de le refaire quand même, en plus il l ‘a fait exprès !
Fast and curious
- PIZZA OU SOCCA ? Socca mais du coup j’ai faim ce sera avec un supplément pan bagnat !
- DE GARDE OU D’ASTREINTE ? De garde avec les copains, histoire d’avoir une vie sociale.
- LÈVE TÔT OU COUCHE-TARD ? Lève tôt ! Je l’ai pas choisi, ce sont les filles qui ne font pas de grasse matinée.
- FEU DE FORÊT OU FEU URBAIN ? Feu urbain ! Ceux qui me connaissent vont bien rire.
- SAM LE POMPIER OU BALLERINA ? Ballerina, le générique de Sam le pompier me hante encore la nuit
- CHIGNON AVEC OU SANS FILET ? Avec filet, c’est plus simple !
- VSAV OU VSR ? le FPTL, j’ai le droit ?
- XV DE FRANCE OU ALL BLACK ? Le XV de France, mon petit côté chauvin.
- MÊLÉE OU DÉBLAYAGE ? Les gros déblayages, j’en ai fait mais j’en ai aussi reçu !
- BOLCHOÏ OU OPÉRA DE PARIS ? L’ Opéra de Paris évidemment !