Chronique d'histoire : Une motopompe « Marcel PAGNOL »

J’ai choisi que cette chronique rendrait un hommage à cet Homme dont les œuvres fleurent si bon le thym, le romarin, la lavande mais aussi l’humanité et l’altruisme.

Alors… Une histoire de pompiers maralpins à la mémoire de PAGNOL ? Oui ! j’y tiens !

Une trilogie, comme il les aimait tant ? Pourquoi pas ?  Puisque ce qui va nous servir de lien, c’est d’abord l’histoire d’un chercheur, amateur passionné de la fouille du passé corporatif des sapeurs-pompiers.

Acte I : Une motopompe maltraitée par la guerre

Il y a une vingtaine d’années, notre « fouilleur de mémoire » exhume une lettre de 1947… signée à la plume de… Marcel PAGNOL…

Pour poser le cadre de notre récit, allons au « domaine de l’étoile » à La Gaude, le « domaine des Maures » racheté par Marcel PAGNOL en 1942. C’est là, que sûrement furent écrites de magnifiques lignes. C’est là, aussi, que Marcel PAGNOL abrita durant la guerre certains de ses collaborateurs en délivrant des certificats de travailleurs agricoles afin de les soustraire au travail obligatoire en Allemagne.

Revenons à notre lettre… Monsieur PAGNOL demande à la préfecture, dans cette période de grandes restrictions, des pneus pour sa… motopompe ! Il écrit « J’ai l’honneur de vous signaler qu’au moment de la libération, les deux roues de ma pompe à incendie ont disparu. Cette pompe qui est un appareil à grande puissance nous a déjà permis d’arrêter quatre incendies d’une extrême gravité. Je la tiens toujours à la disposition de mes voisins, elle est la sauvegarde de notre quartier. »

Bien sûr, je laisse le lecteur imaginer la suite « à la PAGNOL », le Maire de Cagnes rédige une attestation « cette pompe, très puissante, en excellent état, servira pour l’intéressé et les voisins, sis, sur les communes de La Gaude, Saint-Laurent-du-Var et de Cagnes-sur-Mer ».

Puis le 12 juillet 1947, le Préfet Pierre HAAG impose la mise à disposition de jantes et pneumatiques « Je veillerai tout particulièrement à ce que ces diverses opérations soient diligentées avec célérité »

Acte II : Une motopompe et des pompiers

… Mais… entre-temps… telle une farandole comme savait si bien les décrire notre académicien, une rencontre entre Marcel PAGNOL et le commandant André POULLAN, notre inspecteur départemental des services d’incendie, ouvre un nouvel épisode « Monsieur Marcel PAGNOL est disposé à céder gratuitement à la ville de Cagnes-sur-Mer, la motopompe dont il est propriétaire (…) Par ailleurs, le corps des sapeurs-pompiers de Cagnes-sur-Mer est en mesure d’assurer l’entretien du moteur de cette motopompe. »  

Source : archives SDIS06

Voici donc une seconde vie… et dotée de ses pneus neufs, elle chante de nouveau, notre motopompe pour protéger maisons, bois et garrigues en déversant son eau salvatrice.

L’arrivée des engins automobiles porteurs d’eau pour la lutte contre le feu va la reléguer. Oui ! bien sûr, elle sert encore occasionnellement… mais elle n’est plus… « une vedette ».

Elle déménage de la place Sainte-Luce au sous-sol de la caserne Saint-Jean puis un jour… dans les années 1995, elle… disparait… Vendue ? Dépecée ? Plus de traces… mais depuis longtemps, elle n’était plus même dans l’inventaire…

Acte III : Des hommes, des mains et… de la lumière

Une trentaine d’années passent, nous voici en mars 2021. Est-ce un hasard ou souffle-t-il, ce jour-là, un petit vent porteur de nouvelles ? Autour d’un café, un homme que je connais bien apprend « (Untel) a une vieille motopompe récupérée à Cagnes, il a commencé depuis longtemps à la retaper mais maintenant il veut s’en débarrasser ». Et si c’était ? … se dit notre homme, vieil habitué qui a déjà sauvé quelques pompes et il s’en va acheter cette machine ou du moins, ce qu’il en reste…

Crédit photo : Alain Bertolo

Ah ! qu’elle était triste cette pompe avec ses pneus racornis, il lui manquait bien des morceaux… mais ses vannes ternies et son tableau de marche avec sa manivelle rappelaient qu’elle avait bien servi les hommes. Et voilà que, comme souvent, la solidarité vient sauver la Vieille Dame. Hervé et ses équipes se chargent de la récupération puis Christophe, patiemment, avec seulement des plans et photos d’époque, façonne et fabrique : réservoir, garde-boues, bac à tuyaux.

Crédit photo : Christophe Nobile 

Puis, un soir, en présence de notre Directeur, la pompe et son histoire sont présentées lors d’un conseil d’administration de notre Union départementale : la machine vient de retrouver la lumière… « pour servir, si besoin, quelques belles œuvres de notre Union départementale » souhaite son actuel détenteur.

Crédit photo : Alain Bertolo

Epilogue :

« C’est véritablement utile parce que c’est joli » (Le petit prince – Antoine de Saint-Exupéry).

C’est joli car, comme dans « Regain » film de Marcel PAGNOL adapté d’un roman de Jean GIONO où seule la volonté humaine sauve un village de l’abandon, notre vieille pompe ressuscite un peu…

Et, précieusement conservée au SDIS, la lettre autographe de Marcel PAGNOL reste un bout de patrimoine dans notre histoire locale.

Finissons avec une anecdote : en 2021, le plus compliqué à trouver et à acheter à prix d’or par notre « fouilleur de mémoire corporative », ce fut, comme en 1947… les nouveaux pneus… un modèle que seuls les propriétaires de voitures très anciennes utilisent encore…

                                                                                           Alain Bertolo

                                                                                     22 avril 2024